DE LA TRANSITION À LA RÉGRESSION : La dissolution des partis politiques au Mali comme symptôme d’un autoritarisme légal
DOI:
https://doi.org/10.5281/zenodo.15481655Keywords:
Autoritarisme légal, régime hybride, démocratie, partis politiques, Mali.Abstract
Cet article analyse en profondeur la dissolution des partis politiques au Mali, officialisée par décret présidentiel le 13 mai 2025, dans un contexte de transition militaire prolongée. Présentée officiellement comme une mesure de refondation et d’assainissement du paysage politique national, cette décision s’inscrit en réalité dans une dynamique plus large de dérive autoritaire. En mobilisant les cadres théoriques de l’autoritarisme légal (Scheppele, 2013) et des régimes hybrides (Schedler, 2006 ; Levitsky & Way, 2010), l’article démontre comment le droit est instrumentalisé pour légitimer l’exclusion politique et consolider le pouvoir militaire.
L’analyse juridique révèle que cette mesure viole explicitement plusieurs articles fondamentaux de la Constitution malienne de 2023, en particulier l'article 17 relatif à la liberté d’association, l'article 39 garantissant le rôle des partis dans l’expression démocratique, et l'article 185 assurant l’intangibilité du multipartisme. De surcroît, elle contrevient aux engagements internationaux du Mali, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Protocole de la CEDEAO sur la démocratie.
L’étude propose une analyse comparative des régressions démocratiques récentes en Afrique de l’Ouest, soulignant le caractère particulièrement radical et systématique du cas malien par rapport à ceux observés au Tchad, au Niger et au Sénégal. L’article explore quatre scénarios potentiels pour la sortie de crise : (1) un statu quo autoritaire, favorisé par une consolidation des forces sécuritaires et l’absence de pressions internes ou externes efficaces ; (2) un compromis institutionnel résultant d'une pression internationale accrue exercée par la CEDEAO, l’Union Africaine et les acteurs internationaux ; (3) une recomposition démocratique par le bas, encouragée par des résistances populaires, la société civile et les diasporas mobilisées ; et (4) un coup d’État militaire interne déclenché par des divisions profondes au sein de l’armée et des mécontentements croissants parmi les forces sécuritaires.
L’article conclut sur l’importance critique de futures recherches empiriques et théoriques pour mieux appréhender les évolutions à long terme de l’autoritarisme légal ainsi que les dynamiques de résistance démocratique en contexte sahélien.